Georges Simenon by Liberty Bar

Georges Simenon by Liberty Bar

Auteur:Liberty Bar [Bar, Liberty]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782253142522
Publié: 2013-01-09T05:00:00+00:00


VII

La consigne

Maigret se leva avec impatience et, pour éviter il ne savait quelle manœuvre des deux femmes – le client pouvait être, par exemple, un émissaire de Joseph ! – il préféra pénétrer lui-même dans le bar.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

L’autre fut si désemparé que, malgré sa mauvaise humeur, le commissaire faillit éclater de rire. C’était un bonhomme terne, entre deux âges, aux poils gris, qui avait dû raser les murs pour arriver jusque-là en faisant des rêves d’un érotisme échevelé. Or, c’était Maigret qui surgissait, bourru, derrière le comptoir !

— Un bock… balbutia-t-il en lâchant la manette de l’appareil à sous.

Derrière les rideaux, le commissaire voyait les deux femmes se rapprocher l’une de l’autre. Jaja questionnait. Sylvie répondait avec lassitude.

— Il n’y a pas de bière !

Du moins, Maigret n’en apercevait-il pas à portée de sa main !

— Alors, ce que vous voudrez… Un porto…

On lui versa un liquide quelconque, dans le premier verre venu, et il ne fit qu’y tremper les lèvres.

— Combien ?

— Deux francs !

Maigret regardait tour à tour la ruelle encore chaude de soleil, le petit bar d’en face où il devinait des silhouettes mouvantes, l’arrière-boutique où Jaja reprenait sa place.

Le client s’en allait en se demandant dans quelle maison il était tombé et Maigret regagnait la seconde pièce, prenait place sur sa chaise, à califourchon.

L’attitude de Jaja avait quelque peu changé. Tout à l’heure, elle était surtout inquiète et l’on devinait qu’elle ne savait que penser. Maintenant, son inquiétude était précise. Elle réfléchissait en regardant Sylvie, avec à la fois de la pitié et une pointe de rancune. Elle semblait dire : « C’est malin de s’être mise dans une situation pareille ! Et cela ne va pas être simple, maintenant, de s’en tirer ! »

Elle risqua à voix haute :

— Vous savez, monsieur le commissaire… les hommes sont si étranges…

La conviction manquait. Elle le sentait. Sylvie aussi, qui haussa les épaules.

— Il l’a vue ce matin à l’enterrement et il en aura eu envie… Il est si riche que…

Maigret soupira, alluma une nouvelle pipe et laissa son regard errer vers le soupirail.

L’atmosphère était lugubre. Jaja se décidait au silence par crainte d’empirer les choses. Sylvie ne pleurait pas, ne bougeait plus, attendait on ne savait quoi.

Il n’y avait que le petit réveille-matin à poursuivre sa vie laborieuse et à pousser sur le cadran blême les aiguilles noires qui semblaient trop lourdes pour lui.

— Tic tac, tic tac, tic tac…

À certains moments, c’était un véritable vacarme. Un chat blanc, dans la cour, vint s’asseoir juste devant le soupirail.

— Tic tac, tic tac, tic tac…

Jaja, qui n’était pas faite pour le drame, se leva et alla prendre une bouteille d’alcool dans l’armoire. Comme si rien n’était, elle en remplit trois verres, en poussa un devant Maigret, l’autre devant Sylvie, mais sans mot dire.

Les vingt mille francs étaient toujours sur la table, à côté du sac à main.

— Tic tac, tic…

Cela dura une heure et demie ! Une heure et demie de silence, avec seulement les soupirs de Jaja qui buvait et dont les yeux devenaient luisants.



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